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« Si Dieu nous fait
la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que
tous ses ennemis seront détruits. »
Lettre du maréchal de Villars à Louis XIV
après la bataille de Malplaquet du 11
septembre 1709.
La
bataille de Malplaquet tient une place à part dans l’histoire militaire
française. Tournant de la sanglante Guerre de Succession d’Espagne et victoire
à la Pyrrhus pour les monarchies coalisées contre la France, elle coûte à
Marlborough et au Prince Eugène la possibilité d’envahir le nord du royaume. En
effet, si la prudence commandée de Villars le prive d’une véritable victoire,
cette horrible boucherie, la plus sanglante du siècle, et qui met hors de
combat un quart des combattants, est presque deux fois plus meurtrière pour les
armées coalisées. Maurice de Saxe, le futur vainqueur de Fontenoy, y reçoit son
baptême du feu…dans le camp du prince Eugène de Savoie.
La
situation française lors des dernières années de la Guerre de Succession
d’Espagne qui débute en 1701 est dramatique. Après une phase offensive arrêtée
à Hoeschtadt (Blenheim) dès
1704, le camp Franco- espagnol, cerné de toutes parts est réduit à la
défensive. Ses armées écrasées par Marlborough à Ramillies aux Pays Bas
en 1706, Louis XIV interdit toute opération offensive pour préserver les
frontières. « Monsieur le maréchal, on n’est plus heureux à nos
âges » répond-il au malheureux Villeroy, le vaincu de cette terrible
journée, et qui déjà avait été fait prisonnier en rase campagne près de Crémone
en 1702.
En
1708, les alliés s’emparent de Lille, de Gand, de Bruges. Les frontières du
Nord sont désormais menacées d’être ouvertes à l’invasion. Le roi confie
l’armée à son seul chef invaincu, le maréchal de Villars, « cet enfant
de la fortune » d’après Saint Simon. Ambitieux et rogue, c’est
pourtant un chef adoré de ses troupes.
C’est
dans ce contexte de défaites répétées et de crise intérieure majeure, aggravée
par le « gros hiver » 1708-1709 que s’ouvre la bataille de
Malplaquet.
La
chute prématurée de Tournai fin juillet 1709 oblige le maréchal à livrer une
bataille qu’il ne souhaite pas pour empêcher l’investissement de Mons.
S’avançant vers la ville pour la dégager, ses avant-gardes tombent le 10
septembre sur l’armée anglo-hollando-autrichienne du Prince Eugène de Savoie et
du duc de Marlborough, les deux plus grands capitaines de leur temps. Mal
assuré, le maréchal renonce sagement à jouer sa chance dans une bataille de
rencontre et fait solidement se
retrancher son armée dans la clairière de Malplaquet.
Le
lendemain, 130 bataillons et plus de 250 escadrons coalisés, soit 100000 à
120000 soldats et 100 canons font face à la centaine de bataillons et aux 180
escadrons Français appuyés de 80 canons (soit 80 à 100000 hommes). Eugène,
placé à droite, et Marlborough, qui s’entendent à merveille, engagent la
bataille selon leurs habitudes, sûrs de leur victoire. Eugène amorce une
offensive par l’aile gauche française. Il y a massé 83 bataillons et n’en
laissent que 30 face à l’aile droite française qui, elle, en compte 70. L’idée
directrice de ce plan est de forcer Villars à engager ses réserves et ainsi à
affaiblir son centre
Les
régiments du Roi, de la Reine, de Provence et de Champagne résistent à l’assaut
(1). Sous la pression, Villars,
conscient de la manœuvre coalisée mais tout autant de la menace sur sa gauche,
fait glisser une partie de ses régiments vers la gauche, dégarnissant ainsi
partiellement son centre (2). L’armée française arc-boutée sur ses positions
contre toute attente, fusille à bout portant l’infanterie hollandaise dans une
mêlée furieuse. C’est alors que, blessé, Villars doit quitter le champs de
bataille. Il laisse au maréchal Boufflers le commandement en chef et des
directives pour éviter le désastre.
L’infanterie
anglaise d’Orkney en profite pour s’élancer à l’assaut du centre français
dégarni (3). Les régiments des gardes françaises et suisses sont rapidement
bousculés et la victoire ne paraît plus faire de doute. Mais la maison du Roi,
ultime réserve d’un centre au bord de la rupture, sauve la journée en tenant
bon. Elle repousse six charges de la cavalerie du Prince de Hesse venu soutenir
l’attaque. « Le prince Eugène et Milord [ont] assuré qu’ils
n’avaient rien vu d’égal à la fermeté de la maison. » peut écrire
Dangeau après la bataille.
Reprenant
courage, la cavalerie française n’est pas plus heureuse et sa contre-attaque
vient s’épuiser à son tour contre l’infanterie ennemie.
Boufflers,
conscient de la précarité de la situation générale n’ose profiter de la bonne
position de son aile droite pour enfoncer une gauche ennemie réduite et épuisée
après de sanglantes actions de diversion (4).
Au
grand désarroi d’une partie des troupes, il ordonne la retraite générale après
six heures d’épouvantables combats, laissant à ses ennemis la maîtrise d’un
champs de bataille couvert de cadavres (5). Remarquablement exécutée, cette
retraite garde à l’armée française une cohésion et un moral de vainqueur.
Boufflers le constate : « Elle est plus belle et plus fière
qu’avant la bataille. » Le duc de Broglie l’explique simplement dans
un contexte de plusieurs années d’échecs répétés : « Elle a
marqué aux ennemis que nos troupes étaient pour le moins aussi bonnes que les
leurs. »
Les
pertes de cette journée sont terribles. 12000 soldats ont été perdus par
Villars dont 4000 tués. Mais les pertes coalisées sont presque doubles :
20000 dont plus de 6000 tués. C’est
ainsi que malgré la défaite, Malplaquet n’est qu’une victoire à la Pyrrhus pour
une armée anglo-autrichienne désormais en proie au doute et de plus en plus
indisciplinée. Terminant la campagne en prenant finalement Mons à la fin
d’octobre, elle se retire néanmoins en Brabant sans avoir mené la triomphante campagne envisagée au
printemps.
Simple
répit après une succession de désastres pour les armées de France, mais premier
coup d’arrêt à la pression coalisée, cette bataille préfigure néanmoins le
miracle de Denain trois ans plus tard. C’est en effet par cette authentique
victoire inespérée en 1712 que le royaume sera véritablement sauvé de
l’effondrement. Elle permettra aux négociations d’Utrecht d’aboutir à un traité
équilibré, encore inenvisageable à la veille de la journée de Malplaquet.
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